22.3. Faux et usage de faux.
Il y a trois mots dans la litanie insécable. Concurrence libre et non faussée. Cinq mots. Trois obligations, trois concepts, trois qualifications, ne viens pas chipoter sur le nombre. Trois comme Cadet-Rousselle.
Cent-quinzième jour.
Concurrence.
Libre.
Et non faussée.
Ces trois derniers mots n’en font qu’un. Et parce que le lien avec les précédents est impératif, sans lequel plus rien ne fonctionne ; Non parce que je suppose que personne ne voudrait d’une concurrence faussée. Personne ne veut institutionnaliser la triche, et concurrence faussée égale triche. Non faussée égale non triche. Comprenette ?
Y aurait-il un piège caché ? Oui, tout le monde me dit qu’il y a un piège caché. Avant de réfléchir au piège, je confirme qu’un traité doit préférer la non triche à la triche. Si j’étais un Président de la République malin, je me ferais gloire de supprimer la référence à la concurrence non faussée dans le traité, pour laisser mains libres à mes copains traficoteurs de tout acabit se remplir les poche avec une triche qui serait ainsi devenue désormais officielle. Mais je ne suis que Moine, et jamais un Président ne ferait une chose pareille, non ? Pour une fois qu’il n’y a pas pensé, distrait sans doute, ne lui donnons pas cette idée.
C’est pourtant ce que veulent les NON, qu’on coupe la tête à la concurrence non faussée. Ils se disent à gauche et semblent préférer la triche de la concurrence faussée. Je ne comprends pas bien, mais j’ai le cerveau lent.
Puisque la concurrence faussée est si pleine de grâce à vos yeux, il faut aller se promener chez madame Concurrence non faussée voir si j’y suis, pour trouver le piège. Ils disent qu'il y a un piège, alors je pars en expédition dans le cœur du mal.
Je suis déçu du voyage. Je découvre que la concurrence n’est concurrence que si et seulement si elle est non faussée. Sinon, elle n’est plus. Concurrence non faussée est une sorte de pléonasme, concurrence faussée un oxymore. Nous nous étripons entre pléonasme et oxymore. Il n’est plus question de définir les règles pour qu’elle soit l’une et non l’autre, mais de définir les règles pour qu’elle soit ou non. De piège, point.
La concurrence est exactement le contraire de la loi de la jungle, de la règle du plus fort, tu tues ou tu crèves, et nous ne nous en apercevons plus parce que nous l’avons affublé d’un parasite de pensée, d'un adjectif dilatoire. La question est devenue : concurrence ou non concurrence ?
Il te reste encore un long voyage à faire. Comprendre qu'il n'y a pas de piège, et que toi seul suffis à te prendre les pieds dans le tapis.
à suivre
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