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LES ANACHRONIQUES
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9 décembre 2009

22.15 - MONSIEUR NOBEL. #4 : Le monsieur habillé.

Quand l’histoire prend tournure. Tu n’as pas oublié que nous en sommes encore au cent-vingt-septième jour, bien sûr. Il m’a fallu pourtant tout recompter mes fiches.


Cent-vingt-septième jour (suite).



Monsieur Nobel se leva et l’accueillit. Il la fit se poser dans un fauteuil confortable où elle se tint droite. Elle remarqua que la chaise de Monsieur Nobel était assez basse ce qui mettait son regard à son niveau, elle en conçut de la gratitude sans trop comprendre pourquoi. Elle ignorait qu’un banquier courant l’aurait laissé choir dans un fauteuil profond, d’où elle n’aurait pu se lever seule, et que, même nabot assis il pouvait toiser de haut, en supposant qu’elle ait pu être un jour reçue par une de ces ordures.

Oui mon prince, je les mets tous dans le même sac. Ces derniers temps ils ont bien montré qui ils sont, et ce qu’ils sont prêts à renier pour quelques dollars de plus.

Monsieur Nobel dit : « je vous écoute ». Elle avait eu le temps de repasser mille fois toutes les réponses à toutes les questions qu’il allait poser. Mais il n’en posa pas, il écoutait.

Ne sachant plus où commencer, elle s’embrouilla ; elle raconta sa vie, sa non-vie, le mari qui part à la ville et ne revient pas, dont elle pense qu’il ne reviendra jamais s’il vit. L’océan qui monte mois après mois, tempête après tempête, et les poules trop vieilles. Deux vivent encore, une est fumée et la dernière a été mangée, même les os qu’il a fallu longtemps laisser bouillir.

L’histoire des poules n’a pas plu au monsieur. Je ne peux rien faire pour vous, madame, je ne fais rien pour ceux qui mangent leur capital. Je ne suis pas un humanitaire, un philanthrope, un généreux donateur comme on dit. Je suis banquier et je veux faire des affaires, rentrer dans mes sous. Vous comprenez, madame, si je vous donne de quoi manger, vous allez vivre pendant dix jours, un mois, un an, selon mon humeur, puis vous mourrez de faim. J’ai besoin que vous viviez beaucoup plus longtemps, j’ai besoin de vous voir capable de me rembourser mois après mois pendant longtemps, très longtemps, jusqu’au terme convenu.

Le monsieur fronçait ses sourcils broussailleux et avait l’air préoccupé. « Pour qui me prenez-vous ? » ajouta-t’il. Mais la discussion dura longtemps, la femme avait retrouvé sa répartie devant la mauvaise humeur, plus habituelle pour elle que la bienveillante écoute. Une discussion mal commencée peut ainsi durer longtemps si chacun prend soin d’écouter, c’était le savoir-faire de l’un et le besoin de l’autre. Monsieur Nobel avait raison, on ne plaisante pas avec un banquier et on doit être sûr de pouvoir rembourser le prêt avant de souscrire.

La femme avait fait tous ses calculs dans sa tête et Monsieur Nobel l’admira de ce qu’il appelait une étude de Marché et une analyse de risques, et qu’elle ne pouvait même pas désigner ne connaissant pas les mots. Monsieur Nobel n’avait pas besoin qu’on lui jargonne dans la figure pour savoir la valeur des mots qu’on lui disait, il avait récemment défenestré un blanc-bec de traideur sorti d’HEC qui lui pérorait des anglicismes à longueur de phrase pour le convaincre de lui verser des millions là tout de suite.

On ne dira jamais assez la laideur des traideurs.

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Commentaires
M
C'est effectivement terrible quand on a préparé des réponses sans rien omettre et qu'il faille parler sans attendre un questionnement ! c'est infiniment déstabilisant.<br /> Le drame avec les traits d'heures c'est que des provisions sont prévues au budget et elles doivent être distribuées avant la clôture de l'exercice. C'est dans la démesure, hélas !
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