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LES ANACHRONIQUES
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6 juillet 2010

23.8 - Les cartes d’identité.



Il y a longtemps que je voulais qu’il y pense, au mot cité de cité. Je voyais bien que le Moine se perdait dans des énumérations répétées, tournant autour et cherchant la sortie comme une mouche dans une véranda, et pourtant quoi de plus simple que ces deux syllabes ? Le voici plus libre, soudain, tout peut désormais s’articuler dans le discours, et il va pouvoir reprendre sa marche. Un seul mot, et si ardu soit-il le chemin s’ouvre.


Cent-trente-sixième jour.


Rien n’existait de quelque immanence que ce soit, rien n’existe, hormis ce que la cité invente au cours de tous les apprentissages de tous ses citoyens, hormis ce puzzle nécessaire à sa survie qui la fait exister aujourd’hui encore. Apprentissage, transmission, projet d’éternité. Projet voué à l’échec bien entendu, mais quelle survie imaginer si elle n’est pas tendue par une envie d’éternité, non point dans je ne sais quel au-delà que mes collègues contemplent mais dans ce monde ci. A son tour, ce que l’enfant devenu grand aura pris à chacune de ses cités, il le leur rendra, il rendra à l’une ce qu’il a pris à une autre après l’avoir un peu mâché, gâché, gauchi, et les enfants de ses enfants le prendront et découvriront à leur tour. Digéré, saccagé ou embelli, ou les deux, il est des saccages qui embellissent et des progrès qui détruisent. Mais d’immanence, point.

Tu es celui que tu as ainsi fabriqué. Ne te crois pas victime de la cité, quelle qu’elle soit, tu y as fait ton apprentissage et tu as obtenu le fruit de ton travail. Tu es différent de moi, et peut-être suis-je incapable de comprendre ce que tu es, ce que tu as fait de toi, peut-être même vais-je m’insurger contre le monstre que je devine, par peur, par ignorance, par insuffisance, par suffisance. Mais ne me dis pas que d’autres ont fait de toi ce que tu es.

Tu leur as pris ce que tu as pu, ce que tu as voulu, et si moi je n’ai pas le droit de juger du résultat, tu n’as pas à juger ce qui est passé à ta portée toutes ces années. Maintenant, il faut s’arranger de ce qui est, et je vais devoir tenter de vaincre ma peur et tu devras sortir de ta prison de victime. Etre enfin ce que nous sommes, chacun citoyen de nos cités respectives, à la recherche d’une confluence et ensemble, découvrir que nous sommes concitoyen de quelque chose qui advient par ce seul effort. Ne viens pas me parler d’identité ; le mot est stupide pris par ce mauvais bout, ce n’est pas ta cité de construction qui te la donne, ce n’est aucune des cités d’où tu viens. Ton identité est ce que tu as décidé qu’elle serait, non ce qu’un petit chef, un petit mec, un petit nain, un petit malin, t’aura hurlé dans l’oreille ou susurré subrepticement, profitant de ta faiblesse passagère.

Plus il y aura de cités dont tu seras citoyen et plus tu seras libre en elles. Cette identité là, tu en es le seul dépositaire, le seul responsable. Elle seule a un sens et te fait homme libre. Je te le redis, il faut redire les choses encore et encore, tu as puisé dans les cercles concentriques de ton enfance, dans les ensembles intersécants dont tu fais partie, volontairement ou non, et tu as obtenu ce résultat provisoire que je nomme identité, faute d’un autre mot, puisqu’il en faut un.

Rien d’autre ne mérite ce mot. N’attends pas des autres qu’ils fassent le travail à ta place, ils te mettraient où tu ne dois pas être, ils te fourvoieraient, ils te manipuleraient. Nombreux sont tes semblables qui sont tombés dans le piège, se croyant exister quand ils n’étaient que marionnettes. Et ils ne se sont même pas réveillés à temps avant de tirer sur le détonateur à leur ceinture. Je me souviens de cet homme enfermé dans son statut de statue, icône vivante : un grand soir de lutte finale, l’icône s’est brisée comme un bois sec, d’un grand coup de tête. On a beaucoup glosé sur cette cassure prémisse de défaite.

Je te le dis, moi, ce jour là, ce soir là, cet homme est devenu libre.

Identité ? La stupidité majuscule survient à l’instant même où l’on prétend en faire un débat.
.

Commentaires
A
Je prends souvent un air penché.
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M
J'ai pris bonne note pour les italiques et ça ne peut que me réjouir !
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M
Echo et Lemoine ne font qu'un ? Il est grand temps de montrer sa carte d'identité ... le plus drôle c'est que d'autres pays n'en n'ont pas alors que dans le nôtre, c'est papiers-papier !
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M
Il est vrai que je me suis préoccupée plus souvent des autres que de moi. Nous partageons les mêmes idées, par contre je n'ai pas compris le coup de Blanche-Neige ... ce n'est pas la méchante reine qui tenait le miroir ? Si on ressemble à ce qu'on est en vieillissant, ça peut aller ...
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L
Ce qui est merveilleux avec le peuple, c'est qu'on peut lui faire dire n'importe quoi. C'est le con du dîner qui sert les pensées les plus ignobles et caricaturales. Il y a d'un côté le bon peuple serviable et civilisé et de l'autre celui qui refuse l'assimilation et porte la haine. <br /> L'auteur qui cite ce texte récupéré par écho parle de ces élites là avec des guillemets. C'est une notion tout aussi vague que le peuple mais c'est celle là qui est véhiculée par les médias. Un monde clos, une vitrine où la parole est soit disant distribuée au peuple avec une liberté désinvolte alors que la mise en scène ne laisse en réalité aucune place à à l'imprévu. <br /> Comment avoir l'air de représenter "les gens de peu" sans lâcher son petit bout de pouvoir? En le laissant parler... sous contrôle. En orientant "sa pensée" (entre guillemets, donc) vers ce qu'on veut lui faire dire. Qu'il est en réalité haineux et que c'est pour ça qu'on ne peut lui donner la parole, à moins d'en faire une caricature, pour un constat à l'amiable qui légitimerait le fait de rester entre soi. "vous voyez" disent-ils, "on a fait ce qu'on a pu, ils n'ont pas su saisir leur temps de parole ne maîtrisant pas la langue, tant pis." Au suivant. Cette distribution de parole là, (ce casting) interdit toute remise en question vécue comme fascisante. On parle alors de leur fragilité devant un peuple primaire et veule alors qu'ils ont eux-même mis en scène cette représentation qu'ils sont censés subir. Les rôles sont totalement inversés et ce qui se passe ici est une merveilleuse illustration de cette inversion des rôles. Ce n'est pas pour autant que je confonds la gravure et la télévision. Ce n'est pas pour autant non plus que je suis obligé d'avoir un nez de clown sous prétexte qu'il ne faudrait quand même pas se prendre au sérieux. Ce que je dis ne m'appartient peut-être pas et peut-être récupéré, mais s'il faut faire une imitation simiesque pour prouver son humilité, "i prefer not to".
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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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