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LES ANACHRONIQUES
LES ANACHRONIQUES
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22 juillet 2010

De la contradiction.

Je connais le moine comme si je l’avais fait. Il s’enthousiasme sur l’étendue du paysage qu’il feint de découvrir après avoir ouvert la porte, il nous annonce qu’il se réjouit du champ qu’il reste à explorer. Il reste, dit-il. Il se moque du monde : rien n’est encore exploré et il s’est contenté d’ouvrir la porte, entrouvrir est plus exact. Je devine qu’il a étalé tous ses outils d’explorateur sur le seuil, non pour s’en servir mais pour me les laisser. Il s’est bien gardé de me donner le mode d’emploi.

Je comprends soudain qu’il n’a pas l’intention de sortir dans la plaine avec son petit matériel. C’est moi qui vais devoir m’y coller, partir à l’aventure dans le marigot de l’impossible, frôler la ligne verte et franchir les lignes jaunes. Je l’aperçois en contrebas, assis devant sa tasse de café, il somnole la tête légèrement basculée contre le mur ; il aura un torticolis en se réveillant comme chaque fois, mais un vague sourire indique qu’il est content de son mauvais coup.

Il nous a fait cadeau de sa contradiction et il attend que nous nous en dépêtrions nous-mêmes, seuls, comme des grands.

De quoi ai-je l’air, sur la plage abandonnée ? Toutes les plages sont abandonnées depuis la chanson, même celles envahies de hordes les dimanches de canicule. Le ressac ne m’envoie aucune fiche nouvelle et celles qui restent pensent à autre chose. La marée montante peu à peu entasse la foule contre le mur du remblai, et les corps en viennent aux mains, de frôlements en étreintes, de piétinements en contournements, de maillot mouillé en décolleté oublié. Les seins s’abandonnent autant que la plage, l’humanité blanche n’est que monceaux alanguis, mais sans bouteille échouée que valent ces envies ?

Comment puis-je ajouter un seul grain de sable aux dunes du moine ? Faire simplement l’inventaire des outils qu’il me laisse est au dessus de mes forces : liberté de l’individu, multiplicité-cités, nécessité du collectif ; donner et recevoir, recevoir d’ici et donner là-bas, en renonçant à l’échange et au donnant – donnant, agir et négliger, profiter et contribuer ; voler et être volé, paraître et disparaître, naître et mourir, être et avoir. Il m’a laissé des gardiens à garder, des prisons à ouvrir, des encerclements à entremêler, et pour tout bagage des garde-corps et des garde-fous. Et comme il ne se refait pas, un raton-laveur.

En voilà un attirail. Je me demande s’il n’est pas étalé dans la seule intention que je m’en serve, s’il ne me laisse pas libre de me contenter de ce qui me convient, justement libre. Je me demande si ce qui vaut pour moi ne vaudrait pas aussi pour tous ; il faut que les outils servent tous sans qu’un seul les utilise tous. Je ne peux pas explorer l’immensité du champ ; mais nous tous de toutes nos cités nous parviendrons bien à le labourer en entier et à en extraire le trésor qui, dit-on, y est caché.

Le gardien de toute cité digne de ce nom est celui qui s’oppose à l’usage inconsidéré de la liberté. Il n’essaiera pas d’imposer à l’individu de faire ce qu’il ne veut pas faire sous prétexte, par exemple, que mille autres attendent de prendre sa place derrière la porte, ou bien ce serait un mauvais gardien et une cité en péril. J’allais écrire une entreprise, je me suis retenu à temps. Il ne montrera pas le bon chemin, c’est un gardien et non un panneau indicateur. Mais il se placera devant celui qui, fanfaron, aveugle ou ignorant, se jetterait dans le gouffre béant.

Chacun faisant ce qu’il veut faire le fera, dans cette limite. La férocité humaine ne connaît pas ce mot, et encore moins ce qu’il recouvre. Je ne rêve pas à un paradis de cité idéale, de bonnes volontés ni de royaume des cieux. C’est l’exercice même de cette férocité à l’intérieur de la cité qui lui permettra de fonctionner, une affaire d’énergie sans doute et de compétences, il y a de la compétence dans la férocité il faut seulement savoir la repérer, et chacun alors y trouvera de quoi vivre, chacun y trouvera sa place. Il n’y a pas d’exclus dans les cités, pourvu qu’elles soient multiples et que les gardiens veillent.

Sinon rien.

Commentaires
L
Vous êtes pardonné!
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A
Bonsoir Marie. Je me suis demandé un bon moment où tu voulais en venir avec ta deuxième phrase. Elle me paraissait incompréhensible.<br /> <br /> J'ai bien fait d'attendre: J'ai lu la pub qui s'infiltre sous mes mots, contrepartie de la gratuité du support. Je fait l'homme sandwich. Et parfois le contenu du sandwich en effet ne manque pas de sel. Marabout de ficelle, en quelque sorte.<br /> <br /> Je publie en général les commentaires incompréhensibles, espérant que d'autres comprendront ou que j'y parviendrai un jour, et je ne me suis résolu à les supprimer que récemment.<br /> <br /> Je suis en effet bien embarrassé de cet autre commentateur fréquent et parfois envahissant, qui signe parfois "Lemoine", ou "Echo". Lemoine, on n'a pas idée, chez Théolone! Et dernièrement "Jeanne". Serait-ce une femme alors, Dame Jeanne Lemoine, de Nantes?<br /> <br /> ______________________________________<br /> <br /> @ Jeanne Lemoine, écho de Nantes. Je ne comprends jamais vos commentaires. Longues tirades ardues et confuses, probablement pastiches de ma propre prose, d'où mon petit esprit un peu lourd ne parvient pas à s'extraire, mais qui ont ce défaut majeur ici d'être sans aucun lien identifiable avec ce que j'écris, ni approbation, ni contestation, ni rebond, ni dérive. De gros pavés compacts qui s'empilent dans mes marais et en troublent les fonds vasards. Les rares fois où j'ai cru trouver du sens, j'étais dans un sens interdit: des affaires de peuple crasse et d'élite éclairée, des réminiscences de chefs lumineux guidant le troupeau résigné, des choses qui au fond ne m'intéressent pas, pour rester pudique.<br /> <br /> Alors je n'ai pas tout publié. J'ai fait mon censeur, j'ai supprimé d'immenses commentaires, merci la modération a posteriori. Je suis chez moi et je tente, difficilement, de comprendre le monde où je vis, et de lui trouver des voies possibles à ses impasses, et de le mettre noir sur blanc devant tout le monde.<br /> <br /> Je n'ai pas besoin qu'on vienne faire des vagues alors que j'en ai jusqu'au cou, et je ne tiens à rien cautionner sous quelque forme que ce soit. Si vous avez beaucoup à dire et, (pardonnez-moi) surtout à beaucoup recopier, car vos textes interminables sont surtout des recopies de textes volés d'ailleurs, faites le chez vous et si j'ai le temps, j'irai voir.<br /> <br /> Mais chez moi, d'accord pour des interjections sans objet, des phrases sibyllines mais courtes, des ricanements et des plaisanteries fines, fines surtout, des désaccords clairement présentés, mais rien de plus. Vous pouvez me pasticher tant que vous voulez, mais ici, je préfère mon original avec tous mes défaut que vos copies aussi subtiles soient-elles.<br /> <br /> Bonsoir.
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M
Ainsi voici les italiques promises. Une bonne lecture pour l'été à qui nage dans la torpeur ...<br /> Les gardiens veillent et davantage, je peux lire à la suite : morale en philosophie, découvre toi vieux (45, 50, 50 et même 75) je n'invente rien ; et pour en terminer, date de ta mort !
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L
Je ne connaissais pas cette chanson de Felix Leclerc, "L'alouette en colère";<br /> "J'ai un fils enragé<br /> Qui ne croit ni à Dieu ni à diable ni à moi<br /> J'ai un fils écrasé<br /> Par les temples à finances où il ne peut entrer<br /> Et par ceux des paroles d'où il ne peut sortir<br /> J'ai un fils dépouillé<br /> Comme le fut son père porteur d'eau, scieur de bois<br /> Locataire et chômeur dans son propre pays<br /> Alors moi j'ai eu peur<br /> Et j'ai crié "A l'aide! Au secours! Quelqu'un!"<br /> Le gros voisin d'en face<br /> Est accouru, armé, grossier, étranger<br /> Pour abattre mon fils une bonne fois pour toutes..."
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J
Rien à ajouter.
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LES ANACHRONIQUES
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