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LES ANACHRONIQUES
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11 octobre 2010

23.10 - Brûler Diderot ? #1

Je me sauve, je vois le moine qui remonte. Il risque de me prendre en flagrant délit. Surtout ne lui dites rien.

Cent-trente-huitième jour : Autodafé.


Me voilà bien avancé. Je voulais pourfendre l’évidence et je me retrouve en pleine identité. De l’individu dans la cité, de la cité sur l’individu, de sa liberté et de ses limites, de la loi-arbitre au libre-arbitre, que n’ai-je dérivé de vague en vague pour m’échouer en terre inconnue, ou trop connue. Faut-il ajouter une goutte d’eau à la mer, ou un grain de sel ? Mon détour en valait-il la chandelle ?

Je ne peux pas répondre. Tu dérives ou tu traces droit, tu montes le petit chemin escarpé de ta comprenette ou tu contemples les sommets à la jumelle en sirotant ton café, mais tu ne peux répondre à la question de la nécessité et de l’utilité. D’autres doivent le faire, que tu ne connais pas et ne dois jamais connaître. Ta seule certitude est ceci : si tu ne le fais pas, ton chemin, personne ne le fera, et personne alors ne pourra suivre ta trace. Que ce soit important ou dérisoire n’est pas important et n’est pas dérisoire. Il te faut que cela soit, et tu es le seul à avoir ce pouvoir misérable et grandiose que cela soit.

Je me souviens d’où j’avais dérivé. Il était question de construction de soi, il était question peut-être d’inné et d’acquis. Les mots mines, qui te sautent en pleine poire au moment le plus inattendu, ont un glorieux passé et une longue tradition de crêpage de chignon. A mon tour d’ajouter une goutte à la mer et un grain de sel.

Je me suis relu et je m’en vais persister. Point d’inné. Point d’essence. Point de préalable. Tout est construction, de la naissance à la mort, la mort elle-même est encore un moment, un passage. Tout est dit en quelques mots, et désormais je vais me répéter. Il n’y a aucun éther mystérieux où il faudrait baigner et d’où procèderait quelque destin, quelque volonté supérieure,qui déciderait ce qui est bien et ce qui est mal, il n’y a aucun grand dessein dans lequel nous serions impliqués sans le savoir et dont nous serions un pion indispensable et minuscule. Une fois pour toutes, nous sommes ce que nous avons fait de nous, chacun de nous, avec nos moyens et nos mondes entrecroisés où nous avons picoré au gré du vent et des envies, au gré des ans et de la vie. Tout est construction faut-il répéter jusqu’au moindre tremblement de l’arrière-cour du subconscient, jusqu’à la moindre cicatrice d’un souvenir amniotique.

Alors selon que tu es d’ici ou de là, de ce signe astrologique ou de cette lune chinoise, tu seras cet individu qui me lit ou ce lecteur qui pense ailleurs. Non par gène mais par plaisir, par construction, à cause des briques qui furent à ta portée tout ce temps et qui, n’étant ni mon temps ni mon lieu, ne sont pas miennes ; voilà pourquoi nous ne sommes pas mêmes, voilà pourquoi nous ne pourrions ni n'aurions pu jamais être mêmes, voilà pourquoi personne ne peut être qui que ce soit sinon lui. Une stupide affaire de briques et tous les calembours qu’elle inspire.

Le Moine m'a demandé de faire une petite correction.

Si tout est à ce point différent, si rien ne ressemble à rien et que tout devient relatif, il va falloir enterrer notre bel universalisme et avec lui nos lumières, il va falloir tuer Voltaire et Montesquieu, enterrer Diderot et son encyclopédie, jeter aux orties la tête de Lavoisier, les droits de l’homme et les fondamentaux de la démocratie. On ne se posera pas la question de savoir s’ils ont jamais prétendu à l’universalité, on a décrété que leur œuvre était universelle, applicable à tous sans distinction aucune, et on les jettera aux orties au nom de l’acquis et du relativisme, au nom du respect de je ne sais quelles autres cultures, histoire de se débarrasser de ces gênantes lumières une fois pour toutes.

Aux orties ou bien au feu, le plus bel autodafé de mémoire de moine, les flammes insulteront le ciel.

Pas si vite.
.

Commentaires
M
C'est un développement, un complément qui ne remet pas en question l'essentiel ; avec et par ailleurs, une orientation vers un continent qui ne m'aide pas à comprendre l'évolution.
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M
Dénégation, acquiescement, indifférence .. tout est prévu et si je voulais remplacer les briques par des pierres, rien ne changerait dans l'édification de l'individu. Ni son écroulement et je le vois paterne austère dans l'enclos, à genoux.
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M
Au feu ! Curieusement je pense à l'incendie de la grande bibliothèque d'Alexandrie et son site sur lequel sont stockées les milliards de pages d'archives d'internet ... Le support change.<br /> Je pense aussi aux discussions relatives aux livres scolaires d'Histoire pour les classes de 5ème des collèges. Des têtes sont tombées.
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