25.02 - L'angélisme inévitable. (dernier texte de ce blogue, arrêté en 2012, avant la reprise située au dessus à partir de 2016)
Angélisme. Il n’aime pas que je vienne tracer des arabesques dans ses obliques, le moine. Je ne peux résister parfois à mes envies de grain de sel, et à mon besoin de poser mon esprit. Je ne cherche pas tant à paraphraser ni à clarifier, je ne cherche pas tant à simplifier ni résumer, ce serait trahison trop violente et importune, mais comme chacun, il faut qu’esprit volant parfois se pose et prenne un bol avant de repartir en campagne.
Et lorsque le silence du moine survient, quelle belle occasion ! Il a débusqué le petit malin qui ricane en invoquant l’angélisme, tous ces petits malins qui se saisissent du moindre incident pour réclamer la prison nécessaire, la sévérité immédiate, la dissuasion punitive. Il faudrait s’en débarrasser de ces petits malins, aussi sûrement qu’eux-mêmes cherchent à enfermer les gens.
Cent-cinquante-deuxième jour.
Le petit malin est de retour. Je sais qu’il me taxe d’angélisme. Façon bien à lui de souligner ma faiblesse mentale, ma lâcheté congénitale, ma bêtise humanitaire, mon ignorance des réalités de la vraie vie. Il y a, dit-il, les béatitudes de celui qui, du fond de sa cave ou de sa chapelle, rêve un monde idéal, et il y a les réalistes bien ancrés dans la gadoue qui savent bien que sans armes à feu, barreaux aux fenêtres et garde-chiourmes, rien ne va plus. Je me place définitivement dans le camp des béats. Si l’on veut se pencher sur le salut de nos cités, si l’on veut conjurer les anéantissements qui nous guettent tous tant que nous sommes, si ce que j’écris a un sens, je dois rester dans le registre béat où me cantonne le petit malin.
Ce n’est ni ignorance, ni lâcheté, ni fuite. L’homme n’est pas bon naturellement, l’ai-je assez répété ! Je n’y reviens pas, et la cité ne peut se dispenser de lois et de gardiens. Je prétends seulement qu’aucun homme vivant ne peut être privé de sa liberté de vivre dans la cité, que la cité n’existe que par ceux qui sont en elle, que ce soit d’allégeance ou de passage, par hasard ou par nécessité. Ainsi se définit la cité, et l’évolution de la population qui l’habite du fait de l’histoire ou de la géographie, du fait de la pensée des hommes, du fait des récoltes ou des découvertes, fera changer la cité afin qu’elle reste la cité de ces hommes là et non une cité rêvée juste réduite à ceux qui croient être là les premiers.
Il y aura toujours un premier. Et quoi, il faudrait que la cité se réduise au seul premier, alors ?
Angélisme. Il faut que j’examine cela. Une cité libre, et tu mets ce que tu veux derrière ce mot, une cité libre est une cité où l’exercice par chacun de sa liberté contribue au bien-être de tous.
Je n'y arrive plus. Tout se mélange, et je ne sais pas pourquoi j'écris, ni pour quoi ni pour qui. Depuis six mois le monde s'est écroulé et j'ai beau essayer de faire comme si, je vois bien l'inutilité de l'exercice. Je vais me taire, aussi longtemps que rien ne viendra. Peut-être un jour serai-je capable de prendre la parole à nouveau et de pérorer sans m'inquiéter de l'utile ou de l'inutile. Peut-être. Ou non. Au revoir et merci.