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LES ANACHRONIQUES
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23 juin 2020

334 - CHAPITRE QUATORZIEME . Une brève histoire de l'humanité (I) --Soixante et unième jour : pillages, voyages, rivages

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Il ne faut jamais avoir peur d’un titre, surtout un titre de chapitre. Il a déjà été pris, mais en réalité je l’avais posé il y a très longtemps, alors je ne vois pas pourquoi j’y renoncerais sous prétexte que quelqu’un en a eu l’idée aussi. Il ne m’a pas pris l’idée, ni moi non plus. Nous sommes quittes, et je vais me lancer dans cette orgueilleuse aventure et t’y entraîner. L’histoire de l’humanité finira mal mais je ne sais pas comment : je l’arrêterai donc à moi, en toute modestie. On sait depuis Churchill que la prédiction est un art difficile surtout quand elle concerne l’avenir.

 

Soixante-et-unième jour. Pillages, voyages, rivages

Vous connaissez sûrement ce proverbe chinois. Je ne sais pas s’il est vraiment chinois, mais un proverbe digne de ce nom est soit chinois soit arabe. A vrai dire, il pourrait tout aussi bien être arabe que chinois. Ne pouvons-nous pas leur consentir un proverbe, aux arabes, nous autres qui leur avons tant pris ? Rendons aux arabes ce que nous prenons aux chinois.

En deux siècles et au nom de je ne sais plus quoi, nos ancêtres des rives Nord de la Méditerranée les ont dévalisés bien davantage qu’eux purent le faire en mille ans de razzias, ces razzias qui ont pourtant défrayé les chroniques de cette mer intime et nos œuvres les plus prestigieuses, de Scapin à Rossini. Ces pirates artisanaux pillèrent ostensiblement, avec massacres, esclavages et toutes sortes d’horreurs, routinières de ces temps là ; Cervantès s’en souvient mieux que quiconque, et les paysans des villages perchés d’Algésiras à Crotone savaient bien pourquoi ils devaient chaque soir tant peiner à monter le raidillon jusque chez eux.

Mais pour ce qui est de piller, les armées occidentales remplies de bonnes intentions étaient beaucoup plus efficaces, comment disent-ils déjà dans leur langue, performantes, c’est bien ainsi qu’ils le disent, n’est-ce pas ? Je suis un vieux moine et je ne suis jamais très sûr de bien utiliser leurs mots. Les traînées de sang qu’elles ont laissées jusqu’au fond des montagnes ne sont pas encore effacées aujourd’hui, les paysans du Sud n’ont pas eu le temps de percher leurs villages qu’ils sont déjà anéantis. N’ayant désormais plus rien ils sont tous partis travailler chez Monsieur Usine d’Automobiles ou Monsieur Charbonnages ou Monsieur Chantier de travaux, tant il est vrai qu’on les y a bien poussés aussi.

Maintenant ils sont très fatigués, ils aspirent à la paix et au respect, mais non, les gens du Nord leur demandent de rentrer au pays qui n’est plus leur pays depuis longtemps, avec leurs enfants perdus et leurs petits-enfants furieux.

Derrière les armées performantes comme ils disent, les petits malins se sont assurés du pillage ; les beaux esprits se sont mis à l’abri d’un discours humaniste, le progrès, l’électrification et toutes ces choses. Puis ils sont partis eux aussi, il n’y avait plus rien à gratter. Les survivants restés sur place essaient de reconstruire tant bien que mal une cité. Pour eux le retour des travailleurs partis dans le nord n’est plus de mise : les survivants ont trop de mal à combattre leurs propres démons à mains nues pour secourir ceux qui ne sont plus du Sud depuis longtemps.

Ceux-là, loin dans le Nord, ou leurs parents, ou leurs grands-parents, ne se sont pas encore aperçus qu’ils ne sont plus des villages du Sud : ils sont désormais de chez vous, de chez nous, ils sont des nôtres. Et nous non plus nous ne nous en sommes pas encore aperçus. C’est ainsi. Il y aura des pleurs, des peurs, des reflux, et d’improbables ministres de l’intérieur, mais ils sont chez eux chez nous, et nous sommes aussi chez eux chez nous, nous autres du nord qui sommes allés cherchés ceux-là du sud, ou nos parents, ou nos grands-parents. Ce n’est pas une question de faute ou d’expiation, mais une réalité toute simple, inévitable, incoercible.

Tout ceci est le résultat triste ou joyeux d’une histoire. Nous avons grandi avec, et si nous n’en avons aucune responsabilité, il nous appartient de la regarder en face. Personne d’aujourd’hui n’a à venger les exactions d’autrefois ni les migrations de naguère. Mais personne ne doit les oublier, encore moins les célébrer. On n’a pas à faire le concours du plus méchant ni du plus malheureux.

Est-ce que vous y en a comprendre ? Je sais bien que la comprenette est difficile et la séparation plus alléchante que la proximité. Je le sais si bien que je reste un peu confus entre le chez eux et le chez nous, un peu labyrinthique. Il nous faut tous apprendre à nous délabyrinther si nous voulons survivre, et les tentations contradictoires ne manquent pas qui nous égareront. Patience, un jour nous nous y ferons ; reste à deviner après combien de morts et de générations ? Je vous le dis : quelques siècles ou un peu moins, c’est selon que nous serons stupides ou réfléchis. Qui a dit angélique ? Il y aura sans doute un peu plus de mosquées qu’aujourd’hui, mais elles seront aussi vides que nos églises.

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