349 - Intermezzo . Comprendre et juger

COMPRENDRE ET JUGER

Alors il faut que je sois clair une bonne fois pour toutes, si je ne l’ai pas été encore. J’aime ‘Aliénor ta grand-mère et j’aime sa fille ta mère, au-delà de tout ce que tu peux imaginer, au-delà de ta compréhension. Ce que tu es pour moi n’est possible qu’à travers cet amour là pour elles deux ; ce que nous avons construit ensemble les premières années de ta vie a été possible sur la solidité de cette fondation là, et tu sais comme les questions de fondations me sont familières. Mais c’est une vieille lune de croire qu’aimer implique comprendre ; au contraire parfois le mystère impénétrable de l’autre contribue à tisser le lien.

Pour cela je suis longtemps resté à distance, ce qu’on n’aura pas manqué de me reprocher, comment trouver le bon écart trop proche je devenais envahissant trop discret je devenais indifférent et chacun de me montrer du doigt. Et ta mère en tirait sans doute une secrète justification de pouvoir ainsi chaque jour me trouver selon l’humeur inadéquat, absent, pesant. ‘Aliénor et plus encore sa fille sont encore aujourd’hui pour moi des inconnues.

Ce n’est pas faute d’avoir tourné et retourné dans ma petite cervelle les questions sans réponse, sans relâche, sans découragement, sans résultat. Ta mère est un mystère et le restera, je l’accepte, je me soumets à cette loi incompréhensible. Ce qui ne m’interdit pas, de temps en temps, un mouvement d’humeur, une colère, un mot de trop, le poids à porter est lourd, la souffrance est lancinante, je ne suis pas un surhomme mais peut-on l’être ? Tu l’as peut-être toi-même un jour décidé et tu as peut-être bien fait pour devenir ce que tu es.

N’enlève rien pour autant à cet amour annoncé, il est bien là sans lequel ni poids ni souffrance. Je ne te demande pas de comprendre, seulement de ne pas juger.

FIN de la QUATRIEME PERIODE

___________________________________