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LES ANACHRONIQUES
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1 février 2007

17.‎5. #4 La droite et la gauche; Val ne dort que d’un œil.‎

Octante-septième jour, 4.

Le moine est resté discret ces derniers jours. Il hésite à finir, il ne veut pas se séparer de son philosophe boudeur. Il sait qu'il ne pourra pas revenir sans risquer de se contredire, ou sans afficher un doute sur ce qu'il a déjà écrit. Non, tu ne reviendras pas, tu n'en reviendras pas.

Héraklite a laissé se détruire son travail, ne le fait pas. Assume désormais, et si quelqu'un te lapide, pense que chaque pierre sera une preuve de ta vérité.

Ne vous y trompez pas. Je ne suis pas avocat de la dictature, de la destruction, de l’injustice sociale, du chacun pour soi. On ne me verra pas derrière les défilés militaires, derrière la méritocratie, derrière l’autorité sécuritaire. Sinon pour faire, comme un vieux collégien attardé, un pied de nez. Si la punition de l’irrévérence est trop lourde, je le ferai en cachette, ne me prenez pas pour un héros non plus. Je suis plutôt à l’aise dans une société de médiocres dont je suis, ni meilleur ni pire, mais sans cavalier seul, sans grand homme providentiel, et sans mur de clôture. Une petite vie à remonter ma petite montre pour donner l’heure aux passants, une petite utilité sociale. Un petit individu qui ne mourra pas triste, car il eut une petite utilité pour la collectivité qui l’a accueilli.

Vous voyez, être de gauche, c’est un peu de cette médiocrité là que je revendique.

Je suis partisan de la libre circulation des hommes à travers le monde, du partage équitable des richesses sans attendre je ne sais quelle régulation naturelle qui ne viendra jamais tant que les partisans du toujours plus seront à battre le pavé de leurs bruits de bottes, et des réseaux de solidarité. Comme tout le monde, dira-t-on. Non, pas comme tout le monde, justement. Nombreux sont ceux qui récusent qu’on puisse se dépenser pour les régions de malheur et de misère, innombrables sont ceux qui applaudissent au retour au pays mais lequel, de ceux dont nous ne voulons pas.

Ils ont toujours de très bonnes raisons. Si bonnes que je ne peux pas les contredire à même le texte. Si bonnes qu’il faut s’en éloigner un peu pour deviner ce qui cloche, comme un tableau au mur qui apparaît soudain penché quand on avait pourtant exactement pris les mesures.

Héraklite lui-même n’avait aucune idée de l’existence de ces deux mots ambidextres. Il aurait bien ri peut-être. Il n’empêche ; les sociétés ne peuvent se construire que sur le combat de l’un et de l’autre, depuis bien avant l’antiquité qu’ils ne savaient comment ils se nommaient mais qu’ils se combattaient déjà, où ni l’un ni l’autre ne peut l’emporter sauf à voir disparaître la société, la civilisation tout entière.

Permettez-moi d’en finir ici avec Héraklite. Il faut bien finir un jour même avec ce qui ne finira jamais, ne serait-ce que pour se réjouir d’y revenir quand tout le monde sera parti.

Alors que tout était écrit de ce que j’écris pour ma bouteille à la mer, un ami à moi qui ne me connaît pas a dit ceci de joli que je suis désolé de ne pas avoir trouvé tout seul, quelle idée aussi de parler à voix haute devant mon icône.

« La pente naturelle de l’homme va à droite : désir de possession, désir de pouvoir, désir de toujours plus, désir d’excellence, désir d’avoir, partir à la chasse aux colifichets et aux breloques pour en garnir sa gibecière, clôturer son pré carré du bien à soi, tout ce qui nous rend différent et singulier, individu supérieur. Cavalier seul.

« Pour échapper à cette pesanteur il nous faut nous accrocher à la pensée, à l’effort sur soi, non l’effort qu’on nous demande pour être comment disent-ils, performants, mais celui que nous nous réclamons à nous-même et lâcher le miroir aux alouettes, désir d’être.

« Alors seulement on passe à gauche ».

Voilà ce qu’a dit le touriste pensif. Je me demande comment la gauche peut parfois devenir majoritaire, avec de telles idées ringardes, ces idées qui sont miennes. C’est vous qui le dites, ringardes, et vous l’êtes de l’avoir dit.

Bonsoir Monsieur Héraklite. Vous avez le bonjour de Philippe Val, et moi je vais finir mon café en vitesse, on m’attend là-haut, un car vient de s’arrêter devant la porte de l’icône.

FIN du complexe d’Héraklite, aller et retour.

Commentaires
M
Un loup hurle à la lune, tournons-le vers le soleil.
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A
C'est là le danger: croire que le coeur est obligatoirement à gauche. On connaît la célèbre réplique, dont on sait aujourd'hui qu'elle ne fut pas improvisée mais soigneusement organisée. On sait comment que la rhétorique un peu trop compassionnelle et misérabiliste s'est fracassée sur elle.<br /> <br /> Je me méfie du monopole du coeur. Je sais bien davantage qu'il n'y a que des avantages à donner à chacun sa place, et que la gauche est bien plus l'avenir de la civilisation que la droite, qu'elle ait du coeur ou non, du moment qu'elle ait du coeur à l'ouvrage.<br /> <br /> L'avoir et l'être, voilà ce qui les sépare vraiment. La droite s'efforce de le cacher, ce qu'elle est par ce qu'elle a, la gauche l'oublie trop souvent, qu'elle n'a que par ce qu'elle est.<br /> <br /> Elle y perd son âme, encore aujourd'hui, et les élections.
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M
Trop philosophique, la pente naturelle c'est le cœur à gauche, le portefeuille à droite. Je suis dépassée par le car de touristes.<br /> C'est l'arme qu'on passe à gauche. Larmes. <br /> Autrement on passe au vert, et ce n'est pas le catxcat qui va me contredire …
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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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