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LES ANACHRONIQUES
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24 mai 2007

‎19.7.‎ L’Echec. #1 - La tentation du tonneau‎

Nonante-cinquième jour.

La colère du moine est bien visible désormais. Je m’en inquiète, parce qu’il ne va plus garder ce chemin d’ennui et de convention que je lui connais et où je me retrouve ; il va sortir de ses gonds communs et pourrait bien décider d’escalader à mains nues la paroi nord de l’Himalaya, avec la probabilité de réussite qu’on peut imaginer chez un individu de son âge et de son poids. Je ne l’y suivrai pas.

On n’entendrait plus parler de lui et ce ne serait pas une grande perte. Il peut aussi succomber à la tentation, la tentation du tonneau. Il pourrait même me voler ce titre. Lui qui a mis Diogène en charpie et l’a sorti de son refuge, il pourrait finir par se rendre aux arguments qu’il avait réfutés et prendre la place dans le tonneau de celui qu’il en avait chassé. Je sais qu’il pourrait bien le faire, alors ne lui dites rien, déjà qu’il déteste si je commente, alors s’il se saisit de mon titre, il ne me le pardonnera jamais.

Je suis en colère. Je ne supporte pas que tu commentes ce que j’écris sur mes fiches. Je te l’ai déjà dit, tu recopies c’est tout. Tu ne vas prétendre dire à qui me lit ce que j’ai voulu dire en disant ce qu’il lit. Tu as lu ce que tu as voulu, et chacun lira ce qu’il voudra, d’ailleurs quand je me lis je ne sais plus à quoi je pensais mais je sais à quoi je pense. Renonce donc à jouer les garde-corps, les flèches de parcours, les bornes kilométriques. Ils sont ici pour s’y perdre, et retrouver seuls leur chemin, tous ceux qui m’aiment. Sinon ils seraient là.

Tu m’as enfoncé un titre dans le crâne et je ne peux m’en défaire, il va falloir que je m’en occupe. Depuis quand me dictes-tu mon emploi du temps ? Où est passée ma liberté de ton ? Il en faudrait si peu pour que je cesse d’exister.

Je suis en colère. Ils sont peu nombreux, ceux qui m’aiment. Chaque jour j’en perds un peu dans mes lacis, mes glacis, mes lazzis. Ecrire est vain, finalement que reste t-il de ceux d’il y a deux mille ans, deux cents ans, deux ans ? On imagine des principes, des idéaux, on croit immanente la justice et salutaire la pensée floue ; seul surnagent les comptables précis.

Seuls ne plaisent que les slogans, les coups de trique, les tirs tendus, l’éjaculation précoce et l’affirmation péremptoire. Seule n’impressionne que la domination explicite. Seule ne vaut que la courbette du courtisan à la veste fraîchement repassée. Alors le tâtonnement d’écriture, l’hypothèse hasardeuse, la comparaison approximative et l’humour détaché n’ont pas de raison d’être. La liberté de penser même lorsqu’on lit le discours d’un autre n’a pas droit de cité. J’en prends acte et je me dis que j’ai droit au repos, les zoms sauront parfaitement se débrouiller sans moi, et ma tasse de café a refroidi pendant que je me penchais sur le microscope.

Qu’importe si, conséquence évidente et immédiate, je perds ma raison de vivre, je perds la raison. Qui suis-je pour m’occuper du zom éructant son triomphe, qui suis-je pour déplorer la défaite de la pensée ? D’autres l’ont fait avant moi et c’était la mienne qu’ils stigmatisaient alors. Ils ont eu raison de moi, grâce à leur veste fraîchement repassée.

Je suis en colère.

Le 7.2 est à suivre.

Commentaires
M
Quelques mots suffisent à nous démontrer que la lassitude n'est que temporaire. Qui ne connaît ce sentiment de découragement né de la surcharge, des surcharges ... Il reste des recoins dans la chapelle pour des hirondelles nécessiteuses et à partir de combien de passages peut on estimer qu'un touriste devient résidant ?
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A
Bonjours Marie et Luciole.<br /> <br /> Avec un net retard à l'allumage, pour cause de sur-régime, je vais essayer de répondre à vous deux en une fois, avec deux bonjours d'où l'esse.<br /> <br /> On peut écrire aussi parce qu'on est en colère. Contre soi en premier lieu, bien sûr, la seule colère qui soit bonne conseillère, et contre le reste du monde aussi parce que personne ne m'aime bouh ouh.<br /> <br /> On écrit ainsi pour soi, par conséquent. Pour se faire passer l'orage, comme on pousse le café. Mais comme l'écriture est ce qui sort de l'écrire, le poursoi devient pourlui, pourelle, pourvous, pourvou qué sa doure.<br /> <br /> Même celui qui parlait dans le désert aurait été entendu, m'a-t-on dit, alors qu'aurait-on lu s'il avait écrit? D'autres ont écrit pour lui et c'est pourquoi je ne crois pas. C'est pourquoi j'écris pour moi pour que personne ne le fasse à ma place, comme personne ne pourra lire à la vôtre.<br /> <br /> C'est ainsi que ma colère sert à quelque chose, ou du moins que je peux croire qu'elle puisse servir. Je n'ai pas, comme Luciole, le virus de l'action qui me pousse dans la mêlée, je n'y vais qu'à reculons, tremblant et blême, et j'en sort lessivé en cinq minutes. Il est de meilleurs militants. <br /> <br /> Mais ce lessivage reste un moment nécessaire sans lequel mes élucubrations seraient vaines et ma colère mauvaise conseillère. L'écrit s'en nourrit, et de ces quelques bains de foule, agitations énervées et échanges de noms d'oiseau, prend la moelle précieuse pour en tenter un miellat onctueux, supportable en tous cas.<br /> <br /> Le jour où sera fermée définitivement la porte blindée de ma tour d'ivoire, la tour deviendra celle de n'y plus rien voir, un phare éteint au milieu de l'estuaire, juste bon à faire le malin dans les vagues qui l'usent.<br /> <br /> Alors, presque malgré moi, malgré la fatigue mentale et la lassitude du corps, malgré les regards soupçonneux et les pressions amicales, malgré la bure et l'icône, je continuerai de boire mon petit café d'en bas et d'ouvrir la porte de la chapelle aux rares touristes curieux qui me font l'amitié de leur visites et de leurs commentaires sur le livre d'or à la sortie.<br /> <br /> Rien que pour eux, rien que pour vous.
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M
La colère est mauvaise conseillère ...
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L
Pour qui, pourquoi ecrit on ? pour soi, pour l'autre, pour soi en l'autre, pour l'autre en soi ? Pour ceux qui pensent, pour ceux qui rêvent pour ceux qui pleurent, pour ceux qui trichent, pour ceux qui fuient ? Parce qu'on est un peu de chacun et qu'un peu de chacun est en nous ? <br /> A qui s'adresse t'on? A soi, à ses contemporain, à ces contents pour rien, à ses cons tant pour rien, à ceux d'après, ceux qui ne sont pas encore, ceux qui nous laissent toujours la possibilité d'espérer que ce qui est vain aujourd'hui ne le sera plus demain. Demain est sans fin, pourquoi l'espoir en aurait il une ?
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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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