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LES ANACHRONIQUES
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12 juillet 2009

22.13 - La vigne et le précipice.

Paradoxe constant de nos dirigeants : ils aimeraient tant diriger sans contredits, sans mauvais esprits, sans ricanements dans les cours et les théâtres, sans rires. Mais sans rien de cela, ils ne dirigent plus rien, ils ont l’ivresse d’un instant, un an, dix ans, cent ans, puis tout se délite et s’effondre, en douceur parfois, dans le sang souvent. Parce que le conflit, le lutte, le débat, les barricades et les contestations sont bien plus nécessaires aux gouvernants que les dos courbés et les tapis rouges, les courtisans et les spadassins, et je ne nommerai personne mais faites la liste, c’est si facile au fond.
Je m’inquiète un peu, je relis ma bouteille à la mer. Tout va bien et si ma route est sinueuse ce n’est que pour profiter plus longtemps du paysage.


Cent-vingt-cinquième jour.


En ce mois d’avril d’alors, les cerisiers d’altitude fleurissent. Les hirondelles de printemps arrivent chaque jour plus nombreuses, actives et insatiables. Les insectes n’ont qu’à bien se tenir, ils ne font pas long feu. Faut-il les plaindre ou s’en réjouir, moi dont la peau les attire ? Il y en aura toujours assez pour me dévorer et nourrir de mon sang les migrateurs affamés. Mais ne les détruisez pas avec votre chimie, de grâce, sinon les hirondelles périront à leur tour et j’en perdrais mon fameux geste gracieux de grattage la tête en l’air.

Je ne vais pas laisser échapper cette nouvelle aurore : je monte au col, délaissant le village assoupi et ma tasse de café, je monte parmi les fleurs fragiles du bord du chemin qui le tapissent de neige, et j’atteins le versant sud où j’aperçois, en contrebas, les rangs de vigne au bord de la falaise qui sagement suivent les courbes de niveau. Au-delà, le précipice, le sol aride, et le mur de béton des hôtels au ras de l’eau d’où viennent mes visiteurs du jour. Le vin divin ne peut naître ainsi qu’au bord du gouffre ; le jour où croulera la falaise, les touristes seront écrasés dans leur béatitude et le vin coulera à flot, et tout sera entraîné dans le berceau d’Aphrodite.

Le soir tombe. Je n’arrête chez mon ami vigneron. Pour moi, il puisera avec sa grande louche un peu du nectar des Dieux, celui qui travaille encore dans le foudre à couvercle, celui qui attend l’oxygénation parfaite, et nous boirons cet élixir inachevé en nous racontant nos prostituées d’autrefois, celles qui nous ont appris à naître, à vivre, à aimer, à mourir.

Ce que tu ne sauras jamais.


Ecrit en 1999.

Commentaires
A
Laisser faire le texte sur son chemin, quelle bonne idée de lecteur fidèle! <br /> <br /> Je ne sais que te répondre de plus. Continuer peut-être, sans défaillir.<br /> <br /> A la rame, évidemment.
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J
Le texte est très beau, et je croie qu’il ne faut pas l’analyse mais plutôt le lésée fait tout seul, il trouvera sont chemin !
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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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