22.15 - MONSIEUR NOBEL. #1 : Une ferrari.
Il ronchonne contre moi. J’ai l’habitude, c’est un peu devenu sa signature. Beaucoup d’écriture pour ne pas aboutir, pour ne pas asséner un je vous l’avais bien dit péremptoire et définitif. Qui le connaît sait bien qu’il ne construira pas la sculpture dont il a tracé le contour, ce n’est pas lui qui détaillera le secret du cycle de Carnot pour que le moteur tourne rond. Il nous a laissé ses outils, et les plans sur la comète. A nous de nous approcher maintenant du cambouis.
Cent-vingt-septième jour.
Va pour la mécanique. J’ai accroché au grand panneau de l’atelier les tournevis par ordre croissant de longueur, plats, cruciformes, alènes, puis les clés à œil, les clés à pipe, les clés à molette, les pinces, la mini perceuse douze volts et le palmer. Sur l’établi, il y a les plans, les engrenages, les pistons, les soupapes et, bien brillant bien propre un vrai sou tout neuf, en acier forgé presque à la main, le vilebrequin à douze manetons.
Concurrence libre et non faussée, liberté égalité fraternité, la contrariété source de toutes choses, voilà. Il faut monter la mécanique, il faut se l’approprier ; la grande erreur serait de la rejeter sous prétexte qu’elle a servi de prétexte, on ne saurait mieux en faire cadeau à nos ennemis. Un douze cylindre est bien difficile mais bien plus beau que la peinture à l’eau, il doit devenir outil à notre service. Tu vois, nous sommes encore loin du but et je ne mettrai pas de roulettes à tes semelles de plomb.
Mais je vais te donner un exemple, c’est bien parce que c’est toi
Tant qu’à être exemplaire, autant mettre dans ta besace un prix Nobel. Je te le disais, douze cylindres sinon rien. Ce sera un prix Nobel d’économie, un peu suspect certes, ce prix là n’avait pas été imaginé par Nobel et on l’a inventé pour donner le change aux théories fumeuses qui servent d’évidences à la grande propagande universelle. Par une sorte de scrupule de dernière minute, la Nobel assemblée a accordé son prix à un farfelu milliardaire mais peu apprécié des propagandistes de l’évidence fallacieuse, à l’inventeur indien du microcrédit. Je ne me souviens pas de son nom, là sous ma plume de clavier, mais je sais qu’il est indien et banquier, et qu’il est riche, et il m’a donné l’idée de mon exemple.
Sa richesse est ce qui dérange le plus ses confrères riches, car elle valide son point de vue, qui est économique et non humanitaire. Tant que certains s’échinent dans l’humanitaire, on peut s’enrichir en toute bonne conscience dans le petit monde de l’évidence proclamée aux dépends de l’humanité qu’on se contente de secourir avec caméras à l’affût. Mais qu’un trublion fasse fortune en faisant tourner le manège à l’envers, voilà qui devient insupportable. Pour couronner le tout, le voici Nobélisé. Où va-t-on ?