Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES ANACHRONIQUES
LES ANACHRONIQUES
Archives
25 juillet 2010

Les grandes marées.

C’est jour de grande marée. Les vagues viennent battre le pied du mur. Il n’y a plus personne sur la plage surchauffée, il n’y a plus de plage. Je vais revenir à la maison sans bouteille et je vais recopier une des vieilles fiches qui me restent, contrarié.

Le moine est toujours devant son café, à croire que la tasse est fée et qu’elle se renouvelle au fur et à mesure. Comme il ne fait pas attention à moi, je vais dissiper le malentendu qu’il a fait exprès de provoquer. Je l’entends déjà râler : il n’y a pas de malentendu, il y a des malentendants qui font mine de l’être pour mieux se dérober à ce que mes écrits les obligent. Voilà ce que maugrée le moine dans sa bure et derrière son marc.

Il sait parfaitement qu’on lui oppose la noirceur de l’âme humaine et que son angélisme le perdra. L’angélisme est l’accusation la plus pratiquée contre toutes les bonnes volontés du monde, elle interdit toute pensée sous prétexte de réalisme. Laisser l’homme libre dans la cité sans le cerner d’obligations, de devoirs, de règles et de règlements, de décrets et de prisons, le laisser à sa guise baguenauder dans la collectivité sans s’y attacher, est stupide et inconséquent, est angélique. Fi de l’eau de rose. Mettez-moi tout ça au travail et que ça saute.

Voilà ce que pensent les malentendants. Que le moine ait prévu des garde-corps et des garde-fous est très insuffisant, il faut garder les âmes, les cerveaux, les désirs, les plaisirs ; comment voulez-vous que l’homme s’échine à œuvrer pour la collectivité, comprise bien sûr comme destinée à servir nos chers malentendants exclusivement, si personne ne lui met une épée dans les reins ? Au contraire, il va réclamer, il va se plaindre, il va défiler de la République à la Bastille, à la moindre contrariété.

Ils sont ainsi, les hommes.

Ils sont ainsi surtout quand ils sont vus par les malentendants qui se croient, eux, au dessus de ces basses-œuvres. Tu n’as pas su lire le moine, mon ami. Comme il n’est pas de ceux qui répondent, je vais m’en charger maladroitement, n’est pas moine qui veut. Je n’aime pas les gens qui font semblant de ne pas comprendre et qui oublient une partie du texte pour mieux détruire l’autre. Je n’aime pas les gens qui se croient hors sujet alors qu’ils sont, comme tout le monde, plongés dans la même marmite, alors qu’ils ont la même liberté que ceux qu’ils veulent forcer, ni plus ni moins. Il faut retourner ta lorgnette, tu regardes du mauvais côté.

Vois. L’homme est faible, lâche, vaniteux, paresseux, hésitant, ignorant ; dur avec le petit, courbé devant le géant ; profiteur et pervers ; médiocre. Voilà le bon mot, médiocre. Il peut devenir monstre à tout moment pour peu que les circonstances s’y prêtent, toi aussi moi aussi, et parfois il devient saint. On cherche alors l’erreur, le mensonge, la manipulation, mais je suis persuadé qu’il y a des saints véritables tout autant qu’il y a des monstres, et la légende affirme qu’il y en eut qui furent les deux.

Médiocre est une bonne moyenne, au fond. Ce sont ces saints et ces monstres que le moine laisse dans ses cités sagaces, libres ; il ne faut pas oublier qu’elles sont multiples, les cités. Il n’y a aucun angélisme là-dedans, bien au contraire, il y a le refus du désir de perfection. La perfection conduit à la mort et une cité de surhommes est vaincue d’avance par la cité des médiocres. Une cité conséquente se construit sur l’erreur, sur la faiblesse et la lâcheté humaine, et non sur la conférence des saints.

Qui est monstre, qui est saint, au demeurant ?

Le moine vous en a déjà parlé, de cet homme exemplaire, admiré de tous, héros de tout un peuple, qui au détour d’un combat décisif prit la liberté d’un coup de tête au lieu de rester enfermé dans un destin voulu par d’autres ; ne serait-il pas cet homme libre par qui la cité peut respirer ? Ne serait-il pas ainsi redevenu libre enfin, et ce faisant, ne nous aurait-il pas un peu libérés de nous-mêmes ? La liberté qu’annonce le moine n’est pas une liberté accordée ni une liberté revendiquée. Le moine ne donne ni ne réclame, le moine constate. L’homme est animalement libre par le seul fait d’être vivant, l’un et l’autre sont insolubles, qui le lui dénie le tue et prend un billet de non-retour pour lui-même, autant son voisin que la cité toute entière.

Le malentendant est courroucé. C’est bien joli, dit-il, mais comment être compétitif si je ne leur botte pas les fesses ? C’est toi qui vois, répondit le moine, mais je ne donne pas cher de ta réussite si tu as besoin de botter des fesses pour avancer.

.

Commentaires
L
Je vous enverrai une carte postale.
Répondre
M
Reconnais que le fait de souligner les annonces de fin de texte masque à la fois mon manque d'arguments et te permet par là-même de développer ce que tu sais que je sais, ça fait tellement de bien de le dire. Mon drame est de ne pas avoir de liberté pour exercer. je te quitte, je vais à la réunion de la commission des finances ...
Répondre
A
@ Marie.<br /> <br /> Les liens publicitaires disent ce qu'ils veulent. Ils ont des algorithmes qui sont supposés les mettre en rapport avec le contenu du texte qu'ils accompagnent. Cela donne parfois des rapprochements savoureux, et parfois des liaisons dangereuses.<br /> <br /> Que j'aie écrit ce billet il y a déjà plusieurs mois leur est indifférent, ils se le prennent comme argent comptant. Mais ils m'offrent la possibilité d'une plateforme non payante pour continuer à mettre en ligne mes vieux textes et continuer d'en écrire à mettre en ligne dans longtemps. Alors je joue le jeu.<br /> <br /> Il faut seulement savoir que les pubs en ligne ne relèvent en rien de mon choix pour les thèmes abordés, et qu'il y soit question du mode d'emploi d'un homme ou d'apprendre le français est un hasard qui fait bien les choses; je lui tire mon chapeau.<br /> <br /> N'oublie pas, Marie, que la Cité n'est pas nécessairement une ville et que même cernée par les escargots, tu es de mille cités et plus. Ce qui importe n'est pas d'en comprendre la complexité, mais d'y pouvoir exercer sa liberté. <br /> <br /> Ce n'est pas une idée neuve. Mais cette idée est insupportable à certains encore aujourd'hui, c'est pourquoi il faut la répéter sans cesse contre vents et marées.
Répondre
M
"Mode d'emploi d'un homme, apprendre le français, penser la société" - ce sont les recommandations de fin de texte et pour ma part j'ai beaucoup de mal avec les cités : entourée d'escargots, survolée par les merles, leur complexité m'échappe !
Répondre
L
Feindre l'étonnement et hurler après avoir provoqué, contrôlé, dosé, évalué maîtrisé les commentaires, c'est en effet angélique... Et ce n'est justement pas parce qu'on est tous plongés dans la même marmite qu'on doit accepter, quand on est de bonne volonté, les culpabilisations en demi-teinte puis les hurlements angéliques et compétitifs qui rendent sourds. C'est traumatisant, culpabilisant, ça inhibe et ça fait faire des erreurs, oui. Dont celle de se défendre à son tour par l'angélisme pour éviter l'otite; ça ne rend pas très sympathique non plus non.
Répondre
LES ANACHRONIQUES
LES ANACHRONIQUES

Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
Voir le profil de andremriviere sur le portail Canalblog

Derniers commentaires