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LES ANACHRONIQUES
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17 avril 2020

323 - Intermezzo : Ma fille

 MA FILLE

Parlons-en, de ta mère.

Pour essayer de te représenter ce qui existe entre ta mère et moi, je vais te proposer un exemple. C’est un mauvais exemple mais c’est le seul que j’ai sous la plume et qui te soit directement accessible. Accepte le jeu sans me jeter les objections qui vont surgir immédiatement, attends un peu je te prie. Je l’aime, ta mère, comprends-tu, et il ne faut pas laisser entrer d’éléphant dans cette porcelaine.

Il ne te viendrait pas à l’idée de décider si ton père t’aime un peu beaucoup passionnément à la folie pas du tout. L’amour d’un père pour son enfant échappe à ces mises en cage, il est. L’enfant doit grandir avec comme il grandit sous le ciel. Que des pères n’aiment pas leurs enfants est un malheur qui existe, des mères aussi d’ailleurs, mais je sais bien que ce n’est pas ce que tu as vécu enfant alors n’y pensons plus. Ton père t’aime comme aiment la plupart des parents, et tu dois bien savoir en lui ce qui te convient le plus souvent et t’irrite parfois.

Tout ce que tu peux lui reprocher, tu ne supporterais pas que d’autres le lui reprochassent, oui parfaitement imparfait du subjonctif, c’est ton secret d’autant mieux gardé que tu l’aimes aussi pour cela car tu as grandi ; maintenant tu sais de quoi je parle.

J’ai pris l’exemple de ton père pour tenter de te représenter ce qui peut exister entre un père et sa fille. Mais peut-on vraiment et décrire et comprendre, et peut-on faire une comparaison dans le changement de génération ? Il y a de l’intransmissible, de l’incommunicable, de l’indicible, quand il y aurait une ressemblance entre ce qui vous lie, ton père et toi, et ce qui me lie à ta mère et ce qui la relie à moi. Il y a surtout d’immenses différences, il y a les objections que tu sais, il y a d’autres vies, d’autres histoires, d’autres circonstances, il ne s’agit pas ici du combat que ta mère a voulu mener toute sa vie et qu’elle continue, mais de ce qui résiste à ce combat. Un père et sa fille, un autre père et sa fille.

Oui. Ne dis rien. Je sais ce que tu penses, j’entends ce que tu me dis déjà avant de parler. Les objections. Les terrifiantes objections. Tout le monde le pense, tout le monde le dis, tu n’es pas très originale et ma tête va exploser. Etroitesse et préjugés, vieux débats foireux, vieilles lunes, bouillon de culture éventé et nauséabond des siècles des siècles. Alors avant de t’entendre j’écris ici l’évidence : ta mère n’est pas ma fille, tu le sais depuis toujours, elle te l’a expliqué dès le début, elle a eu raison le plus tôt fut le mieux. Je peux aussi écrire une variante, je connais tous les clichés, ta mère n’est pas ma vraie fille.

Il faut croire qu’en matière d’enfants, il y a des vrais et il y a des faux. Les mots qu’on utilise sont chargés de siècles qu’il faudrait renoncer à parler sa langue ni aucune autre, c’est pourtant bien ce qu’on dit en général : ce n’est pas ton vrai fils, ce n’est pas ta vraie fille. A-t-on jamais ouï dire c’est ta fausse fille ? Quel autre mot choisir ? Pour être vrai, l’enfant doit-il être naturel ? Et voilà encore les siècles des siècles qui surgissent, il ne faut pas dire naturel, il faut dire biologique. Il n’y a pas si longtemps, ce n’était pas bien porté d’être enfant naturel. Mais la question est celle-ci que je pose depuis le début avec le moine qui nous accompagne : est-ce nécessaire que l’enfant soit biologique ? Un préjugé chasse l’autre et la petite graine a de beaux jours devant elle.

C’est bien cette question là que nous devons résoudre tous les deux, ta mère et moi, pour vivre, un jour.

 

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