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LES ANACHRONIQUES
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23 juillet 2023

377 - Nonante-et-unième jour . Un pluriel bien singulier #2/2

2.            Tout seul, il est cuit, le zom.

Elle aussi, elle est cuite, mais la plaisanterie a assez duré.

Alors ils se terrent et se serrent, les uns contre les autres tremblants effrayés, à se demander quand donc ce paresseux de Prométhée leur donnera le feu. Tu le sais déjà : dès qu’ils l’auront ils le garderont pour eux, histoire de cramer leurs voisins et de conquérir le monde.

Faut-il pour autant le leur refuser, ce feu de dieu ? Bien sûr que non, j’ai écrit une fable à ce sujet que tu as lue sans doute. Prométhée n’est pour rien dans cette histoire, le zom a su s’en emparer sans lui mais avec ses congénères zoms comme lui, ce qui me permet aujourd’hui de déguster mon steak saignant qui ne serait que carne sans un bon feu vigoureux.

Ainsi le zom ne doit sa survie qu’aux ensembles qu’il forme. Et comme les dangers sont multiples, fourbes, imprévus, irrésistibles, il faut autant d’ensembles que de combats, et ces ensembles vont devenir parfois antagonistes.

L’hiver de ma chapelle a duré plus longtemps que d’habitude cette année là. Ainsi, j’ai pu poursuivre ma quête, lire les grimoires et les parchemins, déchiffrer les papyrus et les tablettes, et avec ma loupe à fourmis j’ai regardé les zoms de près. Figure-toi qu’il y a une différence colossale avec les fourmis. Je me souviens bien du temps où j’étais fourmi. Je n’avais même pas de numéro pour me distinguer des autres, nous étions tous exactement et résolument interchangeables. Si ma mission était de rapporter la grosse miette là-bas la fourmi ma voisine l’aurait pu accomplir exactement comme je le faisais si elle n’avait fait à ce moment là exactement ce que j’aurais pu tout aussi bien faire comme elle. Flexibilité, qu’ils disaient.

Il paraît que ce n’est plus tout à fait vrai. Il paraît qu’il y a aussi des individus chez les fourmis, des fortes têtes, des indisciplinés, des imprudents, et des moutons. Des néo-fourmis pourrait-on dire. Avec un gros microscope, des coupeurs de fourmis en quatre savent faire la différence entre cette fourmi ici et cette fourmi là-bas. Je ne me souviens plus. J’étais tellement comme les autres que je n’étais pas moi mais eux, et qu’elles étaient nous. Je ne me suis jamais coupé en quatre. Va savoir, il y a peut-être de l’individualisme et de l’anarchisme chez les fourmis aussi. Révolution dans la termitière, guerre civile dans les poutres apparentes, massacre dans ma pelouse. Sans microscope, les fourmis qui ne sont que des uns du tout.

J’y perds en contraste avec les zoms. Mais ce sont eux qui m’intéressent et non pas les fourmis, certes un sujet de grande importance mais qui n’est pas le mien. Puis-je au moins me servir de la fourmi comme lieu commun : la fourmi archétype dont je me souviens que j’étais, celle qui marche en rang au service de la reine, par laquelle je peux maintenir ma différence colossale. Tu ne trouveras pas dans mes fourmis archétypes la contradiction fondatrice entre le collectif nécessaire et l’individualité revendiquée. Fausse piste : je vais cesser de citer en exemple les fourmis comme base comparative, chacun son espèce, chacun sa vie ; nos villes fourmilières ne sont pas des fourmilières, non plus que leurs fourmilières ne sont des villes. Comparer les zoms aux fourmis est vain et conduit à l’impasse.

Alors je vais me contenter des zoms. Chacun d’eux se prétend, comment disent-ils déjà, j’ai du mal à retenir ce mot dans mon cerveau de fourmi, à le concrétiser, individu. Voilà le mot : individu. Chacun se sent unique. Individu unique, pléonasme de zom. Il était grand temps que j’arrache ma tunique de fourmi si je veux comprendre cette dualité, cette contrariété fondamentale entre l’individu et le collectif qui ferait la joie d’Héraklite. Chassez la fourmi, elle revient au galop.

Il n’y a pas que les fourmis pour me contredire. Parfois, chez les buffles, on en voit qui s’écartent un peu, sur le côté ou à la traîne, finalement un peu comme chez les néo-fourmis mais en plus gros. Je ne parle pas de celui qui marche en avant, le chef, mais des indisciplinés, des imprudents, des rêveurs, des boiteux. A la traîne sont les vieux, les fatigués, les blessés, et le troupeau n’en a que faire, il les laisse s’éloigner ou plutôt il s’éloigne peu à peu, ils finiront dévorés par les lions. Ceux qui gambadent à côté rentrent vite au premier effluve félin sinon ils rejoindront les vieux dans l’estomac du lion. C’est ainsi que les lions vivent et laissent les troupeaux tranquilles.

Même en restant groupés, les zoms se veulent individus et le sont. Et je me demande comment on peut résoudre cette contradiction et si vraiment il faut résoudre.

 

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