22.92 - Une humeur d’humérus.
Cent-vingt-et-unième jour, suite.
Je dois me faire une raison : je ne suis pas un mauvais écriveron. Ecriveron? Tout le monde connaît le proverbe, c’est en écrivant qu’on le devient. Bon ou mauvais. Jouer les faux modestes, jouer le doute salutaire, me couvrir la tête de cendres, me lamenter de mes insuccès et jalouser en secret les gros lus , rien de cela ne me grandit. Je ne vaux que si j’écris, et même si j’écris mal je vaudrai mieux que si je n’écris pas. Que personne ne vienne me rassurer en s’écriant mais si mais si, tu es bon. Vous seriez mille à le crier que je n’entendrais que la voix qui murmure que je suis nul, histoire qu’on crie davantage mes louanges.
Compliments ou quolibets, l’important est qu’un écho résonne dans la vallée chaque fois que je chante ma ritournelle, et si je me tais se taira l’écho. L’orgueil est le pire de mes ennemis, quand ce serait lui qui me pousse à écrire. Laissez-le pousser mais faites le taire, enfin.
Après tout, c’est le Moine qui écrit l’essentiel et qui a du mal à se dépatouiller de ses histoires de concurrence, tu dois juste comprendre ce qu’il dit même lorsque c’est incompréhensible, et le mettre au goût de celui qui te lit.
Traduttore tradittore. Tu sais très bien trahir quand tu veux, alors, pas de faux semblant, pas de désabus, pas de timidité affectée, pas de dégoût ostentatoire. Ce n’est pas ton truc, ton genre, ta tasse de thé. Les torrents de haine, les torrents d’arrogance, les torrents de bêtise qui t’entourent de leurs ravines ne t’ont jamais impressionné, et tu n’y as jamais perdu ton latin. Même si tu ne devais que taper d’un doigt pour cause de perturbation momentanée de quelque os et de quelque articulation, tu sais très bien que tes textes sont sortables. Alors sors-les de ta paresse de chipoteur, et remets un peu les mains dans ton cambouis.
Personne ne t’y oblige, personne ne t’impose de loi, tu as choisi une voie, tu peux continuer d’y marcher ou prendre un raccourci, tu ne peux seulement pas t’arrêter.