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LES ANACHRONIQUES
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18 avril 2010

23.4 - Oublier l'économe.


Oublier l'économe.

Il est las du discours économique, le moine. Il n’a plus envie de s’en laisser ni  compter ni conter. Il n’a jamais eu envie. Concevoir un monde n’est pas en arrêter les règles de commerce et de fabrication, et le prix d’un objet ne peut en aucun cas décider de la vie ou de la mort de celui qui le fabrique, qui le transporte, qui le vend ou qui l’utilise.

Je crois qu’il sait bien que c’est important, mais il se refuse à mettre le doigt ou plutôt la pensée, la mine, la plume ou le clavier, dans l’invention de nouveaux mécanismes qui rendraient chantants les lendemains.

Il y a là un piège et nous y tombons tous, moi le premier, à croire à ces constructions fragiles. Croire. Le mot qui fâche, le mot qui révèle, le mot qui tue. L’heure n’est plus de croire, l’heure est à vivre ensemble et à s’en donner les moyens autrement que par la morale ou par le bordereau. Le Moine ne savait pas, en attaquant sa concurrence, en se jetant dans la jungle de l’argent, qu’il ne ferait rien d’autre que disserter sur la triade républicaine et la rendre aussi mystique que l’est la trinité que l’on dit sainte. Liberté, égalité, fraternité, sans vous point de Société nouvelle, point d’espoir de rédemption, point d’humanité à venir. Il n’aime pas les épilogues, le Moine, et ne vous dira jamais ce que je dis. Il sera furieux s’il découvre mon bavardage.

Pourtant, c’est bien cela qu’il nous a écrit, tout au long de ses longueurs.


Cent-trente-deuxième jour.


Je ne peux pas me laisser enfermer dans l’économique, avec ses certitudes machinales si souvent assénées qu’elles en deviennent vérités révélées quand elles ne sont qu’hypothèses hasardeuses, lois du Marché et démonstrations a posteriori ; mais comment m’évader ?

Il est inutile de demander secours à la sociologie dont le rôle serait de nous ouvrir le champ des possibles et les lieux de concurrence comme on ouvre un stade aux combattants choisis, rôle qu’elle a égaré dans son fatras obscur ; il est inutile de regarder l’histoire, la géographie, le prix des matières premières et le rhume de cerveau de l’Amérique, chemins semés d’embûches, de mines, de pièges, interdisant toute fuite. Aucune leçon ne sert à qui que ce soit, pourtant je sais que mes rêves ont un sens.

Non que ce soit toujours vain de donner la leçon, de poivrer le discours, de saler les humeurs : un peu de ces épices nous aide à digérer les nouvelles quand elles sont mauvaises ; mais rien ne sera probant, qu’un mur ou qu’une bourse s’effondre on recommencera demain sur les mêmes sentiers de gloire sans en tirer profit et ce n’est pas un gros mot ici. Il n’y a jamais de preuve en cette affaire, il n’y a jamais de démonstration, on ne déduit que ce que l’on avait décidé de déduire avant la chute et dont on veut garder la certitude. On.

On ? Voilà la question, qui est-il, on ? Oui, vous tous là, êtes-vous ce on ? Personne ne serait le on qu’on abomine, le fautif, le coupable, le condamné. Et pourtant tout vient de lui. Il est bien caché, on. Invisible et omniprésent, omnipotent presque. Ici, en nous, maintenant.

Il n’y a que le regard, celui qui vérifie, chaque fois qu’est invoqué le mot de concurrence, qu’elle est libre tant pour les concurrents que pour les passants qui choisissent, et qu’elle est non-faussée. Un regard qui ressemble bien à mon gardien du temple. Un regard de vigile, un regard de veille. Mon regard et ton regard, nos yeux ouverts sur nos cerveaux tendus. Il doit en être ainsi quand l’hôpital achète des couches-culottes pour ses vieux sans avoir à se soumettre à la loi du seul fabriquant à dix lieues à la ronde aussi trivial que soit l’exercice aussi bien que si je m’achète un journal au kiosque sans être obligé de réclamer celui-là tout caché là-bas au fond, ou quand je dois décider qui a raison d’Héraklite ou d’Aristote.

Héraklite ? Le premier qui a senti que le monde ne se pouvait concevoir autrement que dans le conflit, un enchevêtrement de conflits par lesquels tout existe, et que l’erreur était de tenter de les éteindre au lieu de seulement de les organiser pour les rendre supportables, vivables, civilisés.
C’est bien le mot dont j’ai faim, civilisés. C’est cela sans doute, ce qu’ils entendaient par fraternité, nos révolutionnaires mal habillés de leur bonnet écarlate.

Liberté, égalité, fraternité, je ne saurais pas conclure autrement, si par malheur il me fallait conclure. Mais rien n’est fini, je te le dis tout net.

Commentaires
M
Tant que l'assaisonnement n'a pas un goût de cendre ! Je n'ai pas les outils pour faire la différence nécessaire entre asséner, assainir, tu m'auras comprise, je le sais.
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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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