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LES ANACHRONIQUES
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30 mars 2010

23.3 - Cataclysmes.

   
Quelle drôle d’idée, l’idée de fraternité ! Elle suppose que nous sommes frères, elle prend sa racine dans la grande braderie des idées chrétiennes, dans la nappe phréatique qui alimente toute nos croissances, nos végétations, nos fruits. Il fallait bien, pour nos sans-culottes, tenter de mettre un peu d’huile dans l’engrenage antagoniste liberté-égalité. Ils ont choisi ce mot, non sans hésitation je le devine, non sans réticence je m’en doute, non sans inquiétude on le serait à moins.

Mais il fallait une trilogie sinon rien, le couple infernal ne pouvait vivre enfermé dans sa solitude et ils ont posé la fraternité pour se sauver la mise. Ils ont peut-être eu raison et je ne leur jetterai pas la pierre, je suis bien incapable de trouver un autre mot, et au-delà du mot, un autre terrain d’entente où les égalitaristes pourraient frayer avec les libertaires.


Cent-trente-et-unième jour.


Les vents contraires se sont mis à tourbillonner, le souffle glacé et le coup de sirocco. Liberté, égalité, fraternité : à quelle sauce ai-je assaisonné la trilogie, la sainte trinité républicaine, avec mes putes et mes gardiens, mes compagnies pétrolières et mon chef de la police ? C’est donc ici que m’a conduit ma concurrence, ma folle idée de concurrence ! Je n’ai pas voulu m’avancer dans les terrains mouvants de la compétence technique et utiliser des alignements de gros mots incompréhensibles dans l’espoir d’impressionner le cloueur de bec. Me voilà contraint d’en finir avec ma trinité définitive pour avoir laissé le vent souffler sur mes feuilles, laissé les vents s’enlacer sur la montagne, laisser sirocco et bise se battre entre eux comme frères.

La fraternité. Elle n’est pas embrassades et rigolades, je sais qu’entre frères et sœurs règnent parfois rancœurs, non-dits, arrière-pensées, parfois vengeance et parfois haine. Je sais aussi que si le frère haï meurt le frère haineux perd sa raison de vivre. Que chacun tente de surpasser l’autre en ceci ou en cela est raisonnable, logique, nécessaire, ils doivent tous avoir la liberté de le faire, et ce qui vaut pour les frères vaut pour les sœurs.

Aucune fratrie n’existerait si n’y régnait comme maintenant sur mon sommet de montagne les tourbillons glacés et brûlants qui m’arrachent la bure. Suffit-il de dire ce qu’elle n’est pas pour avoir dit ce qu’elle est ?

Adam Smith peut aller ranger ses petits outils. Il avait bien commencé avec sa liberté d’entreprendre et sa loi du Marché, mais il s’était arrêté là, transformant son idéal en idéologie, en instrument d’oppression, en nouveau moyen-âge. Sa construction unidimensionnelle condamnait l’homme général à rester sur son rail pour le plus grand profit de quelques hommes particuliers. Il a cru échapper au pire de la liberté en y instillant la morale, enfin la sienne, protestante et rigoriste, et n’a pu ainsi qu’aggraver son cas et le nôtre, car sa belle morale a servi contre tout un chacun en le priant de rester à sa place. Le déchaînement pouvait commencer.

Adam Smith n’y pouvait rien et je connais ses intentions. Mais ceux qui ont su s’emparer de ses outils ont été très malins et la seule énumération mille fois répétée de notre trinité n’a pas suffi. Marx lui-même s’y est cassé les dents. On y a cru pourtant dur comme fer, mais dans le mauvais bout de la lorgnette le pire de l’égalité est advenu dans une catastrophe pire encore.

Que crient-ils tous ? Ils crient qu’on ne laisse aucune place à la concurrence, surtout pas, les voici soudain d’accord sur ce point tous ceux qui se réclament de l’un ou de l’autre, d’Adam ou de Karl. Ni libre, ni faussée, ni contrainte, ni non-faussée, la concurrence leur est haïssable, dehors chienne de valet du capitalisme, dehors la liberticide concurrence, parmi les pleurs et les grincements de dents. Voilà pourquoi je t’aime, ma vieille. Elle seule nous sera fraternelle.
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Commentaires
L
Je ne connais pas car ex. En voilà un beau plan(t) ! Merci (aussi)
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M
Ils ont dû chercher, ça ne fait aucun doute, mais depuis il y eut modernité (ça sonne bien) puis mobilité (ça tombe mal)en ce moment c'est passivité, alors tu as bien raison de l'aimer et nous avec.
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L
Si tu as un peu de temps, j'aimerais que tu regardes ça : http://www.alpesolidaires.org/incultures-conference-gesticulee-de-franck-lepage<br /> Et que tu me dise ce que tu en penses. (sans lien avec ton texte ... quoique)
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