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LES ANACHRONIQUES
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8 novembre 2016

108 - Troisième jour : enfin Diogène #3

3. La posture ou la maladie.


Les braves gens n’adhèrent pas toujours à ses imprécations de misanthrope, ils en sont parfois si effrayés qu’ils préfèrent se réfugier dans la pitié, cet autre sentiment de supériorité qui vous saisit face au misérable, barrage contre la peur et la conscience. « N’entendez-vous point sa douleur derrière les imprécations ? » disent les braves gens. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en pense, l’homme en question, d’être ainsi médicalisé plutôt qu’entendu.


Est-il planté dans sa posture mûrement réfléchie que je combats car cette posture est une imposture, ou sa philosophie n’est-elle que cris compulsifs relevant alors de l’assistance publique ? Il n’y a pas d’hésitation possible. Il sera beaucoup moins humilié d’être combattu que soigné : la posture lui conviendra mieux que la maladie.

C’est pourquoi je le combats. Ne l’ai-je point dit ?

Que m’importe au fond les bonnes âmes, les dames patronnesses et la compassion des bonnes consciences. Il faut que je les mette de côté, elles reviendront à la charge et je m’occuperai d’elles s’il le faut. Pour l’instant, c’est à la posture que je m’adresse, réfléchie et organisée, soigneusement mise en scène pour la plus grande édification des foules. Il faut se pencher sur l’enjeu caché, sur les ombres qui se profilent derrière le discours du cynique, discours élégant ou éructant et discours de haine, sur ces ombres effrayantes dont le vingtième siècle a vécu les ravages.


L’imprécateur de service se complait à exacerber les mérites de la liberté individuelle absolue et affranchie de toutes contingences sociales, de toutes les règles collectives, forcément insupportables à ses yeux. Il ne cherche pas à détruire telle ou telle règle, mal née, mal rédigée, mal acceptée, il s’en prend à l’idée même de règle, à l’idée même de contrainte, il s’en prend à cet aphorisme essentiel venu du fond des âges et de Mytilène : soufre que ton voisin te gêne un peu. Du haut de sa posture il ne voit dans cette foule que moutons : nous sommes tous des moutons, dit-il, lui est un libre chien qui fouille les immondices en toute liberté.


Le voilà bien, le discours de l’imprécateur qui ouvrira un jour la porte aux torrents sanglants ; il le sait ou il l’ignore, il fait semblant de l’ignorer, mais il en est complice par complaisance, par suffisance, par calcul. Personne ne songe un instant à s’y opposer, les bonnes âmes et les braves gens se rassurent en prétendant soigner la souffrance dont ils disent que l’imprécation est l’écho ; Alceste est un homme honorable. Et pourtant il n’y a pas l’ombre d’un cheveu entre le cynique de philosophie et le misanthrope de service.


Les braves gens font ainsi d’une pierre trois coups : se ranimer la bonne conscience comme une flamme d’arc de triomphe, échapper à l’imprécation, clouer au pilori l’imprudent qui dénonce le discours d’apocalypse. Car il en vient toujours un qui va se dévouer, un imprudent qu’on traînera dans un de ces procès en sorcellerie que les braves gens savent si bien instruire, et personne ne bougera. Je vais m’éloigner un temps de ma chapelle, je ne voudrais pas qu’elle brûle avec moi car je suis cet imprudent. Que personne ne prenne ma défense, dans les procès en sorcellerie on brûle les accusés et on pend leurs avocats. Dieu reconnaîtra les siens.

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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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