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LES ANACHRONIQUES
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10 juillet 2010

23.9 - La théorie des ensembles #2.

Il me fatigue avec ses cités entrecroisées. J’ai pourtant bien peur que ce soit une bonne fatigue, de celles qui endorment vite le soir quand la fraîcheur est revenue. Ne serait-il pas en train de me persuader que ce conflit entre ma vie privée et ma vie professionnelle, ces tiraillements entre mes amis d’avant et mes relations d’aujourd’hui, ces mésententes entre ma famille de maintenant et mes cousinades d’enfance, non seulement ne sont pas des entraves au plaisir de la vie et au repos de l’esprit, mais sont plus nécessaires à la vie que les fallacieuses embrassades, les délicats compromis et les inévitables compromissions, les piteuses reculades, et tout ce que je mets en branle chaque fois que je sens arriver un orage entre ma droite et ma gauche, entre ma tête et mes jambes ?

Il est en train de me persuader, le bougre, et il va falloir que je vive avec cette idée là, et toi aussi.


Cent-trente-septième jour (suite)

2. L’abbaye de Thélème.


C’est à chacun de nous et sans devoir rendre des comptes à quelque autorité que ce soit de décider de nommer chaque collectif qui nous importe, d’y apporter sa pierre ou d’en retirer son dû ; le nom que lui donnera notre voisin ne sera pas obligatoirement le même, et ce qu’il en attendra sera différent. Ton terroir, ton employeur, ta famille, ta bande, ton pays. Tu ne dois rien à l’un quelconque de ces ensembles, que tu y aies puisé tes briques ou que d’autres l’aient décidé ainsi. Tu ne leur dois que ce que tu auras décidé, pour la seule raison que tu sais au fond de toi que sans eux, sans elles, tu n’existes pas.

On a inventé beaucoup de mots pour te convaincre de t’arracher le cœur pour le plus grand bien de la collectivité. Le devoir, justement ; l’honneur, que d’horreurs au nom de l’honneur, le civisme ; la morale ; la vertu ; l’éthique, très chic, beaucoup plus chic que morale et vertu réunies ; la déontologie, très impressionnante, chartes à l’appui. Ne te laisse pas impressionner. Fays ce que vouldras, orthographe comprise, et l’abbaye s’en portera le mieux du monde.

C’est difficile et contradictoire, cette affaire ; au-delà de la parabole chère à Smith du boucher et de ton égoïsme, très au-delà, il faut que notre liberté soit totale mais il faut que la cité en tire avantage. Non point en tant que cité considérée comme un ensemble autonome et méritant, mais en tant que collection d’égoïsmes possibles. La contradiction n’a pas d’échappatoire universelle, elle ne se résoudra que dans le grouillement de chacune des cités. Nul ne trouvera de formule suffisante, tout au plus posera-t-on quelques notions nécessaires.

Je me souviens déjà que j’ai écrit sur la nécessité des gardiens. N’est-ce pas le filet qui libère l’acrobate de la pesanteur et lui permet les plus belles figures ? Que serait ce cirque où le moindre écart d’un millimètre serait puni de mort ? Je sais bien que le grand frisson est moins violent, mais es-tu bien sûr que tu serais content de ta soirée si le trapéziste mourait sous tes yeux ? Alors il faut des gardiens dans tes cités pour que ta liberté soit totale. Paradoxe ultime de la condition humaine, où la seule limite à ta liberté est celle qui t’empêche de te détruire, et la cité avec toi.

En retour, la cité qui voudra survivre te fera une place, qui que tu sois, brillant penseur ou infâme illettré, soldat indomptable ou voleur invétéré, élite ou paria. Un seul exclu et elle meurt.
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