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LES ANACHRONIQUES
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11 mai 2020

327 - Cinquante-septième jour . Cet homme est ministre

 .

 

 3.

Apothéose de la carrière du grand ponte, il s’est laissé convaincre d’être ministre après une petite simagrée de pucelle rougissante. Il plastronne : il va pouvoir du haut de son fauteuil en cuir, mettre en route ces grandes réformes que des décennies d’incurie avaient laissées au placard. On allait voir ce qu’on allait voir. Ainsi parlait le ministre neuf. Ainsi parlent toujours les ministres neufs, mais lui bien sûr il fallait le croire. Il allait rationaliser les hôpitaux, lui qui en avait dirigés sans ne jamais rien y changer, mais bon, il n’était pas ministre alors.

Maintenant c’est chose faite, il l’est. Ce ne devait pourtant pas être un ministre comme les autres, car il était ministre compétent dans son domaine de ministre : un médecin à la santé. On a tant vu de danseurs promus calculateurs qu’on aurait tort de se plaindre d’un médecin à la santé. Les ricanements ne sont plus de mise, ricanements de chansonniers, de café du commerce, de bonnes feuilles et de bonnes femmes, et de bons hommes aussi pourquoi laisser l’exclusivité aux bonnes femmes, j’en ai si souvent entendus, de ces ricanements, qu’ils sont ministres mais n’y connaissent rien, qu’ils veulent leur fauteuil et le ronflement de leur carte de visite, et qu’importent le savoir, la technique, la compétence, l’expérience. Ils sortent tous du même moule à fabriquer des ministres interchangeables, remaniables. On amuse la galerie, on gesticule sur des estrades puis on passe au suivant. Ce sont les ricanements qui disent tout cela et voilà qu’un médecin arrive à la santé, alors silence dans les rangs, on va le voir à l’œuvre, enfin du concret s’annonce.

Pour le voir, on l’a vu, bien vu, ce qui s’appelle vu. Et j’ai compris devant le spectacle qui m’a été donné que les bons hommes et les bonnes femmes, les cafés du commerce, les chansonniers et les ricaneurs ont tort, non ce n’est pas la compétence technique qui fait le bon ministre, mais le sens politique. Ricanements et les plaintes ne sont pas de saison. Il m’en a fallu du temps pour l’admettre, la compétence technique n’est pas la première obligation de l’homme politique : le politique l’emporte sur le technique. Les experts sont là pour être entendus mais ils ne doivent pas obligatoirement être écoutés, comment peut-on encore écouter des experts si souvent contradictoires entre eux pour peu qu’on ait eu la prudence d’en interroger plusieurs. Bien sûr qu’il faut les interroger, et être attentif à leurs déclarations, mais c’est là qu’on va trouver la grandeur du politique : écouter les Experts avec leur Œuf majuscule pour ensuite décider et assumer seul la décision. La soumission face à l’Expert est un parapluie percé, un aveu d’impuissance, une forfaiture.

Notre ministre-médecin, notre expert devenu ministre, sait de quoi il parle, il connaît de l’intérieur tous les errements de cette machine ci-devant dépensière qui nous soigne, il a diagnostiqué le mal et il sait le remède, c’est bien le moins pour un grand ponte médecin. Tout le monde attend le lapin qu’il va sortir de son chapeau d’expert, ou plutôt la potion amère que seul un médecin sait prescrire et qui va guérir un malade nommé Sécu. Ou le tuer.

Elle sera exactement celle prescrite par tous les calculateurs qui l’avaient précédé : le grand ponte à son tour a découvert le fil à couper le beurre et qu’un hôpital sans malade est tellement moins déficitaire, vous comprenez. Alors dehors, les malades qui prétendent qu’on s’occupe d’eux. Les avait-il seulement vus du temps qu’il officiait entouré de ses jolies étudiantes ? Et quoi, il faudrait en plus leur dire bonjour, tant qu’on y est, à ces grabataires ! A grands coups de saignées et de lavements on va apurer les comptes, laisser mourir les maisons de retraite de leur décomposition, abandonner les infirmières à leur vaillance, et montrer du doigt les accros aux remèdes, les vendeurs de potions, les prescripteurs compulsifs, tous ceux qui, de près ou de loin, contribuent à notre survie et dérangent tant les calculettes qui nous gouvernent.

Puis, mission accomplie, on va partir en vacances au frais.

J’ai la vague impression que je suis en train de m’égarer dans un autre débat. Je ne suis pas soi loin de mon sujet en vérité. Revenons à notre médecin corse. Il n’était pas question pour lui de postures difficiles et de politique véritable. Compétence technique ou non, il lui fallait surtout jouer son rôle de grand serviteur de la raison comptable de ses maîtres et il a exactement fait où on lui a dit de faire.

Et ce n’est pas tout, on va le voir, il a devancé leurs plus secrets désirs.

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Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
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