Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES ANACHRONIQUES
LES ANACHRONIQUES
Archives
17 novembre 2020

337 - Soixante-quatrième jour . Finissons-en

1            Le proverbe, enfin

Le racisme aura disparu de nos têtes le jour où je pourrai dire à un imbécile à la peau noire qu’il est imbécile sans me faire traiter de raciste. Mon ami Charles Mingus fut loin d’être un imbécile, mais voilà, sans préavis il est parti au milieu d’un solo et m’a planté là sans me donner les clés de la suite. Les grands musiciens ne devraient jamais mourir sans tourner la clé de sol sept fois dans leur bouche. Je n’aurais jamais eu une idée pareille, jamais je ne partirai sans avoir soigneusement refermé les sphères derrière moi en laissant la clé sous bonne garde. Je ne tiens pas à ce que n’importe qui entre dans la chapelle.

Tu crois que je l’ai perdu en chemin, le proverbe, il est temps d’y revenir.

Je ne lui en veux pas, au grand Charles. Le racisme, les américains, les juifs, les irakiens, les pieds-noirs, les ministres de l’intérieur, nous aurons le temps d’en reparler, si le temps m’en laisse le temps. Il y a encore tant à dire. Nombreux sont ceux qui ont déjà beaucoup dit et beaucoup écrit, tout a peut-être déjà été dit et écrit ; alors justement il me faut moi aussi t’apporter ma petite musique, quelques fausses notes, quelques désaccords. N’oublie jamais que je dois bien refermer ma sphère avant de partir, en ayant fait le ménage.

Il ne faut pas que le solo reste interrompu, quelque part au début des années quatre-vingt, en dessous du cul du chien.

Pour tout cela et pour bien d’autres raisons encore c’est donc aux arabes que je vais restituer le proverbe. Il ne m’en coûte rien l’ayant volé aux chinois.

Tu le connais bien, ce proverbe, il n’a rien de mystérieux et au fond qu’importe qu’il appartienne à ceux-là ou à ceux-ci. Si je le dis, c’est à moi qu’il appartient que je l’approuve ou le rejette. Sa morale en est simple sinon simplette, et tout ce qu’il m’inspire à l’entendre est de m’écrier « ah ça c’est bien vrai ça ». Il ne méritait pas que l’on tournât autant autour du pot.

Proverbe :

« A l’homme qui a faim ne donne pas le poisson, mais apprends-lui à pêcher ».

Fin de proverbe.

Toutes ces pages pour cette banalité, c’est-y pas malheureux. Et pourtant, c’est bien l’histoire de cet homme qui a faim que je te raconte depuis le début, mine de rien, cet homme d’aujourd’hui ou bien d’il y a trois millions d’années.

________________________________________________________________

 

2            L’apprentissage

D’autant que l’homme en question était plutôt bien bâti et sans âge ; on se demandera toujours pourquoi rien ne lui avait permis d’imaginer autre chose pour survivre que de quémander aux feux rouges, sans doute un apprentissage un peu trop surveillé. On a appliqué le proverbe à la lettre et on lui a donc appris à pêcher. Qui ? Que t’importe ! C’était un bon élève et très vite il n’y eut plus alentours de pêcheur plus habile que lui, et je sais de quoi il retourne.

Un jour mon beau-frère a tenté de m’apprendre à pêcher. Du matin au soir je suis assis sur ma chaise fabriquée à Myrtiossa village connu pour ses artisans chaisiers, et je contemple le rien qui passe ; que voulez-vous que je pêche sinon des âmes à supposer que l’âme existe ? N’ayant jamais pu le vérifier en moine incompétent que je suis, mon beau-frère a décidé qu’au moins je pêcherai des poissons d’eau douce. Il m’a donc posé au bord de sa rivière avec un bâton muni de ficelle et au bout un crochet et un appât, tout l’attirail du pêcheur sachant pêcher. Il y avait même un treuil je me souviens, enfin les puristes disent moulinet, hameçon, fil, canne.

Il s’est installé à côté de moi en brandissant les mêmes accessoires. Il m’a dit : taka faire comme moi, taka regarder.

Voilà, j’étais encore tombé sur un taka et un fokon.

J’aime bien mon beau-frère. Bonne pâte, il avait choisi le bon trou, rien qu’en se penchant on voyait des ablettes des gardons des goujons, tout juste si l’eau arrivait à se couler entre les poissons. Il trempait sa ficelle d’un geste vif et aussitôt le crochet jaillissait accompagné d’une créature terrifiée. Pendant ce temps là, mon fil pendait inerte et ridicule.

Au bout d’une heure, sa friture assurée pour 15 personnes pendant 15 jours et la mienne encore en attente, il interrompait la leçon. Ce fut la seule. J’ai renoncé à la pêche avant qu’elle ne renonce à moi, pêche aux poissons, pêche aux âmes.

Commentaires
LES ANACHRONIQUES
LES ANACHRONIQUES

Mon nom est THEOLONE - Philosophie et bavardage
Voir le profil de andremriviere sur le portail Canalblog

Derniers commentaires